Cher nullipare

 Cet après-midi, je me baladais sur Twitter pendant la sieste, et voilà pas que je tombe sur un tweet d’un jeune homme, probablement nullipare, qui ne comprenait pas pourquoi les parents pensaient qu’un enfant coûte cher.

C’est vrai… Les promotions de couches à cinq euros, il y en a partout. Je n’ai pas trop tiqué sur la promotion, mais je lui ai quand même fait remarqué que quand on venait d’avoir un enfant, on avait peu de temps et peu l’idée d’aller chercher des promotions de couches sur Internet.

Sur ce il m’a plaint, parce que visiblement mon mari ne m’aidait pas. J’ai souri. Le nullipare qui sommeille en lui, Cochait toutes les cases du bingo des croyances sur la maternité.

J’ai sorti alors toutes mes armes pédagogiques, en lui expliquant que j’étais maman depuis 12 ans, et que j’avais croisé plein de mères et de pères en difficulté, que les pères étaient aussi désarçonnés et désarmés que les mères, et qu’il n’était pas étonnant qu’après ce genre de réflexion on s’aperçoive que la première cause de mortalité après la naissance d’un enfant chez les femmes, était de suicide.

Après m’avoir accusé de lui dire que ses propos poussaient au suicide les jeunes mères , il m’a fait cette remarque là :

Hélas, j’ai d’abord ri, de son innocence, de son inconscience, de son manque de connaissances. Puis ça m’a un peu énervé, et je me suis demandé pourquoi. Je sais que quand je suis énervé généralement ça cache un fond de tristesse… Alors pourquoi etais-je triste?

Et c’est finalement en en parlant sur Instagram, que j’ai compris. Beaucoup de mamans de jeune maman, d’assistante maternelle, sont venus me témoigner des réflexions qu’elles avaient pu prendre quand elle venait d’accoucher. On leur a reproché notamment de pas avoir pris le temps d’être allé au musée, de ne pas être allé chez le coiffeur, de ne pas prendre soin d’elle, d’avoir une maison en bazar, de ne pas donner du lait maternelle, d’être fainéante… Et j’en passe.

Alors ce qui m’a fatigué et rendu triste, c’est que dans 15 jours ma fille aura 12 ans. Je suis donc devenu mère il y a 12 ans. Et en 12 ans il n’y a donc pas eu une seule évolution dans l’idée qu’on se fait de la maternité. Ce moment qui doit être magique féerique, facile, évident, naturel. Ce moment où la mère accouche dans les flots de paillettes et de rigolade, où elle prend son enfant dans ses bras, ou elle l’aime au premier regard. Cette enfant qui fait ses nuits à trois mois, mange solide à six, sans allergie, sans problème, sans questionnement, ces enfants qui mangent normalement toutes les quatre heures, qui prend du poids normalement. Comme si la maternité était quelque chose d’inédit, facile.

Voilà. Le constat est clair, net et précis. La maternité est toujours sous le signe de la vierge Marie, la femme dévouée à son enfant parce que c’est son rôle, sa nature, elle a compris avec facilité et naturel ce qu’il fallait faire, avec « l’aide » du papa, qui te reprend son boulot tranquille puisque la mère assure. Et si elle n’a pas le temps d’éplucher les promotions, de se faire belle, de faire un tour en ville, de se promener en sentant le parfum à l’eau d’rose et les cheveux propres son bébé sur les tranchées d’un marché du village, c’est que vraiment elle a rien compris à rien, et qu’elle est d’une nullité affligeante.

Alors cher nullipare, Je voulais juste te dire, que moi ma fille a fait ses nuits à 15 jours, qu’elle dormait peu en journée mais facilement entre minuit et six heures, et que ça ne m’a pas empêché de faire une dépression du post-partum, de pleurer toutes les larmes de mon corps parce que j’avais l’impression de ne pas assuré un kopeck, de parfois avoir l’impression que je ne m’attache pas à elle, de faire derrière deux ans de thérapie pour comprendre pourquoi j’avais ce sentiment.

Chère nullipare sache que je me suis nourri au Twix pendant trois mois, que j’ai accueilli en pleurs et en peignoir, Un agent de Veolia, qui venait couper l’eau parce que entre la naissance de ma fille et Noël qui approche, j’avais oublié de payer ma facture d’eau. Que j’ai du le supplier sur le perron de la maison alors que ma fille hurlait derrière de ne pas couper l’eau et de me laisser trois jours de réactivité.

Sache que j’ai pleuré sur un quai de gare, Parce que mon mec m’a demandé de fermer le manteau de ma fille qui risquait  d’attraper froid, sache qu’il m’est arrivé de sortir à 2h du matin pour faire un tour du pâté de maison pour voir si elle s’endormit mieux dans la poussette, sache que j’ai pleuré de fatigue devant Desperate Housewives parce que je n’arrivais pas à regarder plus de deux minutes d’affilée. 

Sache que je ne me suis jamais autant engueulé avec mon mec parce que quand il était là il avait l’impression que je me reposais tout le temps, et que, Quand il était là j’avais l’impression qu’il ne me relayais pas. 

Toi la jeune maman qui me lit, qui est enceinte ou maman d’un tout petit, sache que maintenant je ris de cette période, que je m’aperçois à quel point la fatigue a pu prendre le dessus sur tout ça, mais qu’aujourd’hui tout va bien, que ma fille va très bien, que mon couple va très bien, et que cette période dure finalement si peu de temps par rapport à tout ce qui t’attend dans cette vie formidable de la maternité. Et sache bien que si pendant les trois premiers mois de ton enfant, tu ne te laves pas, tu manges peux, tu n’as pas le temps ne serait-ce que de toucher à ta boîte mail, et que tu es encore loin le temps de faire des courses, et de choper les promos de Pampers, c’est que tu es… Parfaitement normal.

À la semaine prochaine ? Ou pas.