Accueillir la violence

Quand je suis devenue assistante maternelle, j'ai fait le choix d'accueillir des enfants en situation de handicap.

Cela accompagnait mon choix d'ouvrir une MAM, puisque je suis persuadée que plus les enfants sont confrontés au handicap tôt, plus ça leur semble logique de les inclure dans leur société. 

Une sorte d'acte citoyen, donner du sens à mon travail. 

Très vite la PMI m'a envoyé un enfant de 4 ans, en situation de handicap. 

Il y a eu des périodes difficiles mais en gros, les choses se sont tassées au fur et à mesure du temps.  On a appris à se connaitre, à s'apprécier, à avoir confiance en l'un et l'autre... 

Mais depuis quelque semaines, des changements dans sa vie personnelle, le font exploser. J'ai un passé d'éducatrice spécialisée mais la solitude face à la violence et la douleur d'un enfant, est difficile à appréhender pour moi. 

Il peut avoir des crises de violence, très fortes, avec insultes, crachats, coups. Je ne peux pas le laisser 12 secondes pour aller allumer le cookéo.

Les crises, je gère, son malaise je l'entend, son malheur je l'accueille.  Mais je suis épuisée. Vraiment. 

Le soir, un fois parti, je vais me coucher et je dors. Ma fille me voit peu, et file dans sa chambre dès qu'il arrive. Je vois qu'elle prend beaucoup sur elle, comprenant que c'est un enfant "différent".

Moi je suis fatiguée physiquement: être en alerte pendant 10h d'affilée sans pause avec un enfant qui peut soudainement se mettre à hurler puis réveiller ses copains . 

Honorer son choix, aller au bout de mes convictions, et aller au bout du travail avec cet enfant, c'est pour cela que je tiens bon. Puis je me dis, "il reste 5 mois...". Je ne vais pas mettre cette famille en difficulté, sans solutions pour les 5 mois à venir... 

Alors on prend sur soit, on allume petit bambou, on dort, on sort le weekend, on boit un verre de vin le soir, on discute avec son conjoint... Mais parfois ça ne suffit pas. Parfois il faut pleurer, dormir, crier et évacuer comme on peut. Alors ce matin, bah juste j'écris ça là. Je jette tout sur le clavier et je cris ma fatigue et ma tristesse pour cette enfant qui est en souffrance et en mal-être.

Bien sur je pourrais faire un énième laïus sur l'accueil des enfants handicapés dans notre société, la faute à l'état etc... Mais l'état c'est nous. Et quand j'entends les commentaires sur cet enfant, mon travail ou celui de ses parents, je me dis qu'on n'a pas le cul sortit des ronces...

Le handicap ce n'est pas seulement l'autisme d'asperger ou la trisomie 21. C'est aussi parfois, la violence, la douleur, les interrogations, le regard, les rumeurs, et les qu'en dira t-on? C'est être sans solutions, c'est les morsures et les coups.

Je ne veux pas démissionner malgré ma fatigue. D'abord parce que j'ai pris un engagement que je ne vais pas rompre 5 mois avant la fin. Ensuite parce que, comme tous les enfants que je garde, cet enfant j'y suis attachée. Et je sais que je peux lui apporter quelque chose, je sais que je fais partie aussi de son équilibre et qu'il a besoin que les choses se terminent en douceur...

Pour moi (et on ne s'emballe pas... POUR MOI c'est pour moi), être ass mat, ce n'est pas seulement être l'ass mat des petits, sages, polis et gentils... Parfois on tombe sur des parents défaillants, parfois sur des enfants violents, agités impolis.... Et notre rôle c'est aussi de les accompagner à faire les premiers pas dans une vie où ils vont devoir s'adapter, comprendre. Et c'est justement cela que j'aime dans mon métier: les aider et leur apprendre à grandir. Même avec ceux qui crient, qui tapent et qui crachent.

On se retrouve demain avec plus de bonne humeur?

Et puis ces moments magiques...