Lettre à la fille de 17 ans que j'étais

Chère toi,

Toi qui ce soir, en février 1996, vient de te faire couler un bain, a posé le rasoir à coté de la baignoire et qui a tout arrêté parce que tu as entendue cette chanson "c'est ta chance" sur ta chaine. Toi qui prends cette chanson comme un signe d'elle là-haut qui te dit "Hep! C'est dur, c'est l'horreur, mais si tu lâches maintenant tu louperas demain, et demain peut-être que le miracle arrivera".

Tu l'écouteras encore, et encore cette chanson, longtemps. Puis il y en aura d'autres des chansons auxquelles tu t'identifieras. Tu trouveras du sens dans ton métier, grâce à "juste après", tu veilleras tard à réfléchir à comment changer le monde, tu plaqueras tout pour mieux recommencer ailleurs, toujours droite dans tes convictions, même quand d'autres tenteront de les ébranler. Aujourd'hui les autres te disent que tu es une merde, mais tu vas devenir quelqu'un qui sera fière du chemin parcouru.

Je ne te dis pas que ce sera simple mais tu vas devenir forte, tu vas apprendre à te connaitre et faire avec ce que tu es. Tu vas désapprendre à être quelqu'un qui cherche la perfection pour apprendre à être quelqu'un de bien. Tu as au fond de toi, tu ne le sais pas encore, une force et un courage que peu de personne ont.

Le miracle n'arrivera pas. Tu vas te battre et tu vas obtenir ce que tu mérites. Et ce que tu mérites n'est pas forcément ce que tu attends.

Aujourd'hui, je viens sans doute de passer la moitié de ma vie, et je suis là où je dois être. C'est grâce à toi, et à celle que j'ai été parce que tu as tenu bon face à l'adversité. J'essaie, à mon niveau, avec mes petites armes, mon petit savoir, mes petites mains, et mon petit cœur de "changer la vie" de ceux qui découvrent le handicap de leurs enfants, de ce qui ont peur du "no futur" pour leurs petits. J'essaie dêtre l'adulte rassurante auprès d'enfants qui se séparent parfois pour la première fois de leurs parents, d'être celle qui leur montrera qu'ils peuvent avoir une vie sans papa, et sans maman... qu'ils reviendront ce soir et qu'en attendant je suis là pour les rassurer...

J'ai compris que l'essentiel n'était pas de marquer la grand histoire du monde mais la petite histoire des gens. J'ai compris que changer le monde c'est d'abord changer les hommes un par un pour en faire des passeur de bonheur, d'espoir, et de valeurs. Changer le monde c'est transmettre ces valeurs à des tous petits, semer une graine en eux qui grandira et qui en fera des hommes et des femmes biens. Changer le monde c'est faire preuve d'exemplarité et tu seras de celles-là. Les anonymes, les filles badass qui à leur niveau prennent le monde à bras le coeur pour en faire quelque chose de beau.

Tu n'as jamais perdue espoir, tu n'as jamais perdue la ligne de vue, tu n'as jamais été désabusée ou découragée... Tu as laissé passé des amours et des amies pour mieux t'inscrire dans ce but ultime: changer les choses.

Tu t'aimeras un jour. Tu trouveras ta place dans le monde. Une place inattendue. Mais tu compteras pour des parents, pour des enfants. Tu t'inscrira dans leurs vies comme un repère quotidien, un adulte référent qui compte.

Tu seras fière de ce que tu es devenue. Tu seras fière de ta vie. Alors tiens bon. La vie sourie aux audacieux.

Et puisque j'ai longuement cité Goldman dans cette lettre alors sache que, on ne changera pas le monde mais il ne nous changera pas.... Sois fière de ce que tu vas devenir chère Magali de 17 ans.

A demain.