Désobeissance civile

Pendant le confinement, je l'avoue, je n'ai pas respecté les distanciations sociales avec les enfants malgré les recommandations. Je dirais même bien au contraire. J'ai désobéi civilement, je n'ai pas porteé de masques à moins d'un mètre, j'ai pris des risques.

Je n'ai pas pu. Pour moi, il est important que l'enfant se sente, et encore plus pendant cette période en sécurité, où il pouvait sentir cette peur de la part de l'adulte. Il a eu besoin plus que jamais de se sentir en sécurité, rassuré, et retrouver un monde qu'il connait, qui ne change pas.

Vous connaissez sans doute cette expérience du docteur Spitz sur les relations sociales et les liens sensoriels:

René Spitz, dans les années 1940, ont été les premiers montrer d’une façon plus systématique que les interactions sociales avec les autres humains sont essentielles au développement d’un enfant. Spitz a suivi pendant plusieurs années deux groupes de nouveaux-nés : le premier d’un orphelinat où les bébés étaient plus ou moins coupés du monde dans leur berceau et où une seule infirmière devait s’occuper de 7 enfants; et le second dans un établissement semblable situé dans une prison où la mère prisonnière pouvait prodiguer chaque jour à son enfant soins et affection et où les enfants pouvaient observer les autres enfants et le personnel durant la journée.

Bien que l’état du développement était comparable à l’âge de 4 mois dans les deux groupes (les enfants de l’orphelinat avaient même une moyenne plus élevée à différents tests), dès la première année, les performances motrices et intellectuelles des enfants de l’orphelinat avaient pris un grand retard comparativement à celles des enfants de la prison, se montrant également moins curieux, moins enjoués et plus sujets aux infections. Durant leur deuxième et troisième année, les enfants élevées par leur mère dans la prison avaient un développement comparable à ceux élevés dans une famille normale à la maison, parlant et marchant avec assurance. Par contre, dans l’orphelinat, seulement 2 enfants sur 26 étaient capables de marcher et de bredouiller quelques mots. Depuis cette étude pionnière, de nombreuses autres expériences ont montré à quel point des privations sensorielles et sociales survenant lors de certaines périodes critiques au début de l’enfance pouvaient avoir des conséquences catastrophiques sur le développement ultérieur de l’individu.

Dans les années 1960, Harry Harlow a développé un modèle expérimental pour pousser plus loin les études de Spitz. Dans une série d’expériences qui seraient peut-être considérées comme cruelles aujourd’hui, Harlow élevait des singes nouveaux-nés en complète isolation. À partir de quelques heures après leur naissance, et jusqu'à 3, 6 ou même 12 mois, les bébés singes étaient isolés de tout contact avec leurs semblables, y compris leur mère. À la fin de la période d'isolation, une fois réintroduits avec d'autres animaux, ces singes demeuraient en santé mais leur comportement social était complètement anéanti : l’animal demeurait dans un coin de sa cage à se bercer d’avant en arrière (comme le font certains enfants autistes), il n’interagissait pas avec d’autres singes, ne jouait pas ni ne montrait aucun intérêt sexuel. Toutefois, une période d’isolation comparable plus tard au cours de leur vie était pratiquement sans effet sur leur comportement, ce qui montrait hors de tout doute que chez le singe comme chez l’humain, il existe une période critique pour le développement social.


Tiré de https://lecerveau.mcgill.ca/flash/capsules/histoire_bleu06.html


Pour bien grandir, l'enfant a besoin, en particulier dans cette période, d'avoir des adultes déstressés et en observation, prêt à intervenir à ses cotés s'il en a besoin.

De plus, l'apprentissage de l'interaction sociale chez l'enfant se fait la première année. Il va apprendre via vos expressions du visages, vos mouvements à interpréter les émotions. C'est pour cela qu'il est ultra important avec les enfants d'accentuer les mimiques, de parler doucement, calmement, avec des intonations précises pour qu'il intègre et apprenne ces significations.

Etre leur phare quoi qu'il arrive
Être leur phare quoi qu'il arrive

J’accueille la #5mois. En plein dans cette apprentissage, il n'était pour moi pas non plus envisageable de travailler avec un masque à longueur de journée. J'ai gardé (et je garde le masque) pour de la préparation des repas, pour les changes. Mais ça s'arrête là.

J'ai beaucoup parlé aux enfants de la maladie de façon calme et sans leur faire peur pour leur expliquer le masque, les jouets qui n'étaient pas sortis. Mais j'ai aussi prit beaucoup de temps à les câliner, à faire des bisous, à les observer. J'ai relevé les enfants qui avaient des changements d'attitudes. J'ai rassuré, regardé, joué, accompagné....

Aujourd'hui, dans le protocole, que dis-je, dans le nouveau protocole, il fallait remettre l'enfant au centre de l'attention, des besoins.
 
Voilà en quoi j'étais hors la loi, désobéissante civile, parce que j'ai continué à travailler comme avant (j'ai bien évidemment désinfecté, nettoyer, laver les mains de plus en plus etc...) auprès de l'enfant. J'ai maintenu un rythme qu'il connaissait. Je suis sortie une fois par semaine faire le tour du paté de maison, nous sommes passé dans des chemins où nous ne croisions personnes. Ils ont marchés dans la pelouse, cueillis des fleurs aux premiers jour des soleil. L'enfant est resté au centre de mes préoccupations, et si hygiéniquement j'ai fait très attention, j'ai gardé les gestes qui ont aidé à la construction psychiques.

Je sais que, même parmi mes collègues les plus proches, certaines vont être choquées de ce que j'avance. Mais je crois sincèrement que, dans cette période, la sécurité affective était autant voir plus importante pour les enfant que la sécurité sanitaire .

Ce fut mon choix. Je voulais mettre du sens dans ma pratique. J'ai pensé que dans cette période anxiogène être au plus proche des besoins de l'enfant était primordiale.

Si demain il fallait recommencer je le ferais. Je pense que dans notre métier, être un bon petit soldat face au protocole était compliqué. M'adapter, réfléchir, trouver le juste milieu entre le protocole et leurs besoins et être là pour les besoins affectifs de l'enfant a été ma priorité.

Je pense que nous avons tous et toutes, beaucoup à réfléchir sur notre pratique après cette période et remettre a carré, sur ce qui est important pour eux. Il faut que l'on se souvienne je crois que l'essentiel de notre pratique est au delà de la simple sécurité physique et sanitaire. Allez plus loin, que ce qu'on nous demande, prendre des risques. Et finalement les aimer.

A demain ou pas.









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