Défendre les droits à L'IEF

 Cher Monsieur Macron,

Je suis une enfant de l'éducation nationale. Mon grand-père immigré italien, a gagné ses jalons de citoyen français par l'école et grâce à un enseignant dont on parle encore aujourd'hui dans notre famille.  Il aurait rêvé être professeur à son tour mais ses parents le lui ont refusé, il a arboré toute sa vie une montre gousset qui lui rappelait cet homme si important dans son histoire.

Ma propre mère, a réalisé son rêve: institutrice professeure de biologie, principale adjointe puis principale, j'ai grandi entre les quatre murs de mon collège, il y a plus gaie et moins stigmatisant. voir débarquer sa prof d'anglais le weekend à table et la prof de français pendant les vacances... A 14 ans... Comment vous dire. On mangeait école, on dormait école. J'ai été élevée dans la soupe de l'éducation nationale.

Mes parents nous ont biberonnés à l'importance de l'école publique, de l'égalité des chances, l'importance du mélange, des rencontres des autres cultures, de la socialisation etc...

Puis j'ai eu une fille en 2009. Imaginez mon émotion quand elle est rentrée pour la première fois en petite section à l'école du village en septembre 2012. 

Oui sauf...

Sauf que cette année là, ma fille est tombée sur une maitresse qui l'a maltraitée: brimades, enfermements, tapes sur la tête, hurlements en classe, humiliations...

La première année nous n'en n'avons rien su. Notre fille allait à l'école avec le mal de ventre et parfois pleurait mais nous n'entendions rien. Peu sensible aux rumeurs du village, nous pensions que c'était un "acharnement" et que notre fille vivait mal son adaptation à l'école comme beaucoup d'enfant...

Elle l'a à nouveau eu deux ans plus tard alors que je faisais mes premières gammes à l'ESPE (vous voyiez comme je peux avoir confiance en l'éducation nationale, rêvant à mon tour de devenir prof). Là comme elle a senti le vent tourner, elle a fait une dénonciation calomnieuse à notre égard, pour "mise en danger affectif" auprès de l'inspection, et à rapporté des propos mensongers auprès de mes collègues, ce qui m'a valu une réputation épineuse, une impossibilité de continuer mon processus de formation (cette personne étant formatrice à l'ESPE), et une mise à l'écart l'année suivante en ne validant pas mon cursus. Cette personne a été mutée deux ans plus tard dans une autre école où des plaintes de parents d'élèves ont été portées, et où une condamnation de deux ans de prison avec sursis et une interdiction d'enseigner pendant 5 ans à été imposée. Je précise donc que cette dame fait toujours partie de l'éducation nationale même si elle n'enseigne plus. 

Ma fille suite à cette histoire à commencé à développer des troubles de l'angoisse: elle s'isolait, n'écoutait plus en classe dès qu'elle ne comprenait pas quelque chose, s'est mise à parler en dialogue de dessins animés. Évidemment, les autres élèves n'ont pas manqué de remarquer qu'elle était "bizarre". C'est à partir de ce moment là que, pendant deux ans, deux élèves ont monté toute la classe contre elle. Elle avait droit le matin à un tribunal pour savoir si les autres avaient le droit de jouer avec elle, et si les deux élèves avaient décidé que personne ne lui parlait... Personne ne lui parlait. Et ça c'était pour les bons jours. Car il y a eu les jours où elle était enfermée dans les toilettes, les jours où elle s'est pris des noyaux de cerises dans la tête...

L'école accueille 80 élève au maximum. C'est un village où les enfants sont calmes, bien élevés, plutôt bourgeois, où les plus gros problèmes scolaires sont des enfants qui ne lisent pas couramment à la fin du CE1. Pourtant on relève le troisième cas de harcèlement depuis deux ans.

Alors que se passe t-il?

Je vais parler pour nous. Nous avons alerté une première fois du harcèlement que subissait notre fille. Aucun mouvement. Nous avons demandé alors qu'elle aille dans l'autre école du village. Réveillant chez la directrice la peur d'une fermeture de classe, nous avons été convoqués par la mairie et la directrice pour nous expliquer. Là, on nous a démontré que notre fille s'isolait, que le fait que les autres enfants la traite de "bizarre" était un peu normal vu qu'elle parlait seule à la recréation, qu'ici elle était protégée (?????) et qu'on verrait quand elle serait au collège. Il a fallu qu'on se fâche, qu'on justifie que pas moins de quatre enfants qui n'étaient pas forcément dans la classe de ma fille étaient venu nous prévenir de cette situation et que notre inquiétude était fondée. J'étais passée moi-même passé devant la cour à l'heure de la récréation, j'y ai vu des cas de violence dans les recoins pendant que les maîtresses discutaient en cercle bien serrés dans un angle mort.

Et là... Retournement de situation. Ils ont fini par scindé la classe en deux pour qu'elle ne soit plus dans la classe d'une des enfant en question, qui a eu droit à une "alerte harcèlement", alors que d'après les dires de ma fille, elle était surtout menée par le bout du nez pas la première de la classe, petite ange insoupçonnable qui, elle, n'a jamais été inquiétée.

Elle a fini cahin caha sa primaire, assez abandonnée par sa maitresse il faut le dire... et soulagée par le confinement et le fait de ne pas retourner à l'école.

Cette année sa rentrée en sixième se passe bien. Elle est dans un collège très attentif à chacun. Au premier problème avec un ancien élève de sa classe, la vie scolaire a fait ce qu'il fallait, notre fille se sent soutenue, écoutée et accompagnée. Elle va à l'école avec le sourire, aime ses profs et commence doucement à se faire des amies même si c'est encore un peu compliqué mais nous lui faisons confiance pour la suite.

 


 

Pourquoi je vous raconte tout cela?

Parce qu'aujourd'hui c'est une maman brulée qui vous parle. Nous n'avons pas eu le choix de l'école et ma fille a été déconstruite, bousillée. Sans l'aide d'une excellente psychologue à 75km de chez nous (la seule qui ait réussi à gagner la confiance de notre fille), je pense qu'elle aurait développé des phobies scolaires. 

Malgré cette histoire, nous croyons aux fondements de l'école républicaine: nous croyons à l'égalité des chances, à la laïcité, à la liberté de pensée. 

Malheureusement, nous constatons par notre histoire que, ces fondements, en fonction de l'endroit où votre enfant est affecté n'existe pas forcément sur le terrain. 

Nous avons toujours continué à envoyé notre fille à l'école le cœur lourd, parce que nous voulions qu'elle continue à faire l'effort d'aller vers les autres, et qu'elle trouve la possibilité de se faire des copains. Et aussi, parce que, courageusement, elle nous l'a demandé. 
 
Et nous sommes tellement fiers du courage et de la force de notre fille qui, malgré tout cela, a réussi à se faire de rares amis, à continuer à aller à l'école, à maintenir un niveau scolaire qui ne ressort pas de l’échec scolaire.
 
 Plusieurs fois, nous avons pensé à l'IEF. J'ai été au chômage deux ans, puis assistante maternelle, par choix mais dans mes choix il y avait aussi l'idée du "au cas où". Nous nous sommes également renseignés sur les écoles démocratiques que nous trouvions adaptés pour notre fille qui avait du mal à la vie de groupe. Donc des écoles hors contrat.

Bref. La disparition de ces possibilités de "déviation", d'autres possibilités pour l'école me fait très peur. Oui. Encore une fois malgré tout cela, mon histoire familiale et personnelle me fait croire que l'école PEUT et DOIT être une solution pour chacun. Elle doit préparer, former nos enfant à la société dans laquelle il va vivre. Mais quelle solution alternative y aura t-il pour les enfants qui ne sont pas malades? Pour qui l'école est une souffrance parce qu'aucune sanction, surveillance, n'est imposé à une école, un enseignant qui juste n'est pas bon, ne surveille pas, n'accompagne pas les enfants. Quel solution y aura t-il pour les enfants pour qui aller à l'école est impossible?
 
Quelle solution y aura t-il pour les familles qui ont décidées de faire découvrir le monde à leurs enfants? Pour qui éducation rime avec voilier, découvertes des peuples, ouverture d'esprit et générosité?

Combien d'enfants va t-on rendre malades, phobiques, apeurées par l'école parce que l'école ne remplie pas son rôle?

Avant de rendre l'école publique obligatoire, combien de temps vous faudra t-il pour vous questionner sur la raison pour laquelle nos enfants et nous-même ne voulons plus qu'ils fréquentent l'école publique?? Non ce n'est pas un caprice bourgeois, et non ce n'est pas non plus un embrigadement possible et sectaire. Vous le savez les inspections sont là pour cela. Et de plus limiter les embrigadements au seul fait des musulmans et quelques peu réducteur... Les IEF du monde catholiques sont tout aussi, voir plus, courant et dangereux et personne ne les nomme dans cette "justification".

Je crois qu'aujourd'hui il est temps Mr Macron, de s'interroger sur ce qu'est devenu l'école: est-ce que la liberté de pensé, d'être, le bien être y est toujours d'actualité dans chaque établissement de France? Est-ce qu'on y développe la confiance et la reconnaissance? La confiance en soi? Est-ce que quand une maîtresse dit à ses élèves déjà bien bousillé par des enseignants précédents  "vous êtes des patates", ne devrait-elle pas juste pour cette phrase être reprise et formée à nouveau?  Être aidée, accompagnée? Parce que sincèrement, 8 mois de formation est-ce assez pour être un bon enseignant sur 40 ans? 
 
Parce que ces situation existent mais aussi parce qu'on abandonne les enseignants, qu'on surcharge  leurs classe, qu'on leur demande de faire école comme il y a 30 ans alors que le monde de demain ne sera même plus celui d'aujourd'hui. Certains craquent et "laisse tomber", font le minimum. D'autre rejette leur mal-être sur leurs élèves. Pendant que la majorité continuent de se battre, de se lever à 6h du matin, à burnouté, à développer des cancers parce qu'entre ce qu'on leur demande et ce qu'ils savent bon pour leurs élèves il y a trois galaxies. 
 
A aucun moment on ne pense à l'élève. Il n'y a plus d'enseignants. Et les courageux qui restent sont à bout. Les classes vont être surchargés, les individualisations de plus en plus difficiles à appliquer. Quand aux pédagogies modernes...

Supprimer l'IEF et obliger les enfants à suivre une scolarité en présentiel, ce n'est pas être Jules Ferry ou Victor Dury. Ce qui le serait c'est de refonder l'école pour que chacun ait envie d'y aller. Une école moderne, juste, à l'écoute des enfants, qui respecterait leur rythme et leur apprentissage. Une école où les professeurs seraient formés sur plusieurs années et notamment à la psychologie de l'enfant, aux neurosciences, au développement de l'enfant, à l'accueil du handicap (vraiment). Une école où les AVS auraient autant de formation, seraient à temps plein et payés comme il se doit.

Ce que signifie supprimer l'IEF


Supprimer l'IEF, c'est supprimer le droit à chacun de respecter son propre choix d'apprentissage, c'est nié la capacité des enfants à savoir de quelle façon ils ont envie ou besoin d'apprendre et envoyer un message aux parents qu'ils ont incapable d'entendre ce que leur enfants leur réclament.

Tirer sur l'IEF pour rassurer sur les attentats, et la possibilité d'un embrigadement, c'est à mon sens, dangereux et injuste. Et une carte pour séduire une population bien à droite à l'heure où les discours de haine, de peur, et de rejets sont légions.

La France n'est pas une dictature. Le seul fait que je puisse écrire ces mots sans avoir peur en est encore la preuve, mais supprimer des libertés et notamment la liberté d'enseigner et d'instruire est une encoche à la démocratie. Et ça, en tant que citoyenne, mère et partisane de l'école publique, ça me pose un sérieux problème.

A demain? Ou pas.

Commentaires

  1. Et ben il m'a fallu plusieurs jours pour trouver le temps de te lire.... Et encore une fois tu me sidére par tes mots 😊

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