Mourir pour un cours

 D'abord la nouvelle est tombée sur mon portable. Un prof d'histoire est mort pour avoir montré des unes de Charlie Hebdo dans son cours. J'ai appuyé sur l'article. Un peu le coeur battant. Samuel P., Conflan saint Honorine.

Je me suis d'abord dit "Ouf ce n'est pas mon frère". La tension est redescendue.

Et puis je me suis dis, "C'est peut être le frère de quelqu'un. C'est sans doute le fils de quelqu'un."

Et j'ai été triste.

La première fois pour Charlie, j'étais sous le choc. J'étais dans la période la plus cauchemardesque de ma vie. Pourtant j'étais Charlie, j'étais choquée, j'étais dans l'incompréhension. On avait tué le rire.

La deuxième fois pour l'hyper casher, ça devenait réél. Ma meilleure amie habitait à 50m, je me suis dis ça peut donc nous arriver à tous. Demain c'est moi qui peut rentrer dans un supermarché, ma fille, mon mec, mes amies. On peut tous crever d'avoir eu envie d'un cookie à 17h. On avait tué la consommation.

La troisième, au bataclan fois j'étais sidérée. Mon frère fréquentait le petit cambodge. Il devait y aller ce jour là et a annulé au dernier moment. Le bataclan est la salle de spectacle que j'ai le plus fréquenté, République est un des quartiers que je connais le mieux. On a tué la fête.

Et puis il y a hier. 

 



Que se passe t-il dans un pays quand on commence à tuer un professeur pour ce qu'il enseigne ou ce qu'il transmet? 

Mourir pour son travail, pour avoir voulu transmettre, pour avoir voulu leur apprendre à réfléchir par eux-même, pour avoir voulu changer leur monde, pour avoir cru en l'école de l'égalité des chances et pour avoir voulu y participer.

Est-ce que demain, ma fille qui veut écrire des BD va être tuée pour parler de féminisme? Mon mec qui travaille pour des association très diverses va t-il être égorgé en sortant de chez nous? Est-ce que parce que j'apprends l'égalité entre les enfants, que je leur apprend l'égalité homme/femme, que j'autorise les petits garçons a enfiler des jupes et les petites filles à jouer au voiture, est-ce que je vais mourir pour ça?

Aujourd'hui on a tué la liberté d'apprendre. Notre liberté d'envoyer nos enfants à l'école.

Aujourd'hui je pense à mon frère. Je pense à ce qu'il peut éprouver en ce premier jour de vacances. On a beau ne pas avoir de lien, je ne peux pas m'empêcher d'en faire un avec ce qu'il s'est passé hier.

Je pense à la famille de ce prof... Cette famille qui devait être fière de ce fils, de ce frère, de ce père, de ce mari. Cette famille qu'on a appelé un soir pour leur dire "Il est mort pour avoir enseigné la liberté."

A demain. ou pas.

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