En moyenne 5 enfants par classe

J'ai toujours travaillé avec des enfants, des ados.... 

Je l'ai toujours repérée, la petite du fond de la classe qui se fait pipi dessus au milieu de la journée en CE2, la jeune fille que tu accompagnes au planning, pour un avortement, mais qui te glisse qu'elle n'a pas de copains, et pas de relations sexuelles, celle qui croise son père devant la poste et qui te demande de faire demi-tour "je ne savais pas qu'il était sorti... Je l'ai envoyé en prison depuis le voyage à la plage avec mes oncles et ses amis...". Je les connais ces enfants, je les repère, en un regard, en une fraction de seconde..

C'est ma hantise depuis que je travaille avec les petits de découvrir ça. J'ai peur, un matin de découvrir, de comprendre, cette violence, de devoir dénoncer, parler, accompagner.

Je le connais ce silence qui parle, qui hurle. Je la connais cette dépression qui guette. Je connais ces hommes qu'on cherche car ils ne nous respecteront pas, il répondront à l'image qu'on a de nous même. 

J'ai eu de la chance. Je n'ai pas connu l'inceste. J'ai connu la simple agression sexuelle. Lambda et banale. J'ai échappé au viol parce que je me suis sauvée, au sens propre comme au sens figuré. 

L'écoute de la policière.

Puis la police "on ne donnera pas suite il n'y a rien".

Puis le pédiatre "elle arrive à en parler, il n'y a pas besoin de consulter"

Puis ma mère "il faut oublier maintenant"

Puis l'oublie. Pour de vrai. 

Puis ça t'éclate à la gueule. Un jour. Au delà de ce que tu as raconté à tes parents. Parce que tu t'es sentie coupable et que tu as eu peur. Parce que tu as eu honte.

Chaque année, une victime écrit, parle. Chaque année, on nous dit "mais c'est horrible". Mais Polanski continue de tourner. Metzneff qui continuait d'écrire des livres il y a deux ans, était invité devant les visages goguenards des dandys parisiens, Olivier Duhamel avait toujours accès au plus haut poste de formation des grandes écoles, Frederic Mitterand était ministre, et même s'il ne s'agit pas de pédophilie, on sait que des violeurs présumés sont dans des places les plus importantes de France, que je sais, parce que j'ai des amis, de la famille, qui trainent dans les hautes sphères que tout le monde sait pour des anciens ministres, des politiques, à qui l'on souffle "il va te demander de l'emmener dans tel orphelinat ou dans telle école. Refuse.". Mais personne ne moufte. Pas de vague.

Vous avez entendu le tsunami? Vous les avez lu les témoignages sur twitter? On répond quoi "oh bah il est interdit de coucher avec un enfant de moins de 13 ans... Il ne peut pas être consentant". Super. Merci les gars. A la prochaine.

Comme le disait très justement Elodie Arnoult, les films pornos sont interdit au moins de 18 ans. Mais bon tiens... C'est vrai ... T'as pas le droit de regarder mais t'as peut être envie à 13 ou 14 ans de faire ça avec un gars de 45 ans... Bah oui... 


 

Je suis en colère. Qu'on arrête de nous dire qu'on a le courage de parler, mais qu'on prenne surtout  le courage de nous écouter. Je ne voulais pas m'exprimer là dessus parce que c'est ma douleur et que quand je l'exprime j'ai toujours l'impression que celui qui m'écoute se dit "oh ça va elle a l'air d'aller bien, puis c'est pas un viol qu'elle a subit,puis c'était une fois, dans un parking, ... Oh ça va... Puis si elle en parle aussi facilement c'est peut être au fond que ce n'est pas vrai. Qu'elle veut faire son intéressante.". J'ai toujours l'impression que je ne suis pas légitime.

Mais j'en ai marre. J'en. Ai. Marre. Marre de ces oreilles bouchées, marre de ces gens qu'on couvre, marre de cette sexualité pédophile snob et classe, presque marginale chic. On fait semblant de penser que les gamines peuvent être consentante face à des hommes de pouvoir... Bah oui, c'est tellement drôle d'être provocateur, de se taper des petites Lolitas qui sont en pamoison devant des mecs libidineux. Un peu conne mais tellement désirables... Et tellement dans la quête de jouissance....

Alors j'ai plus envie de croire que les choses vont changer. Parce que dans sa scolarité, ma fille a probablement croisé en 9 ans de scolarité entre 20 et 35 enfants qui ont subis au moins une fois une agression sexuelle. Si elle va jusqu'au bac, elle en croisera entre 50 et 100. 

Ma fille a 11 ans. Dans deux ans, si un ami, un prof, quelqu'un de notre famille, un inconnu la croise, la viole, elle devra prouver qu'elle n'était pas consentante. 13 ans. 

 Désolée pour ce papier qui n'a sans doute rien à faire là. Qui sort complétement du sujet de mon blog. Mais j'avais besoin de cracher ma valda.

A la semaine prochaine ou pas.



Commentaires

  1. Tellement vrai ce que tu écris.
    J'ai vécu (première fois que je l'ecris) une agression physique de la part de mon père. Sur l'instant, je me suis tue, je ne comprenais pas j'avais entre 10 et 12 ans. J'ai effacé de mon esprit et bien plus tard, j'étais devenue Maman et je "maltratais" mon fils. J'ai vu un psy et cet épisode de mon enfance a ressurgi ete psy ne m'a pas cru. Me disant que c'était mon imaginaire d'adolescente. Voilà et comme je comprends toutes ces femmes qui se mettent à parler des années après. Pardon de me confier ainsi, car s'il y a eu les mots chez le psy, jamais ils n'avaient été couchés sur le papier. Le psy a quand même fait du bon boulot en ce qui concerne la relation avec mon fils et c'est le plus important.
    Merci et bonne soirée à toi. Ta fille a de la chance de t'avoir comme Maman.

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    1. Il n'est pas trop tard Chantal pour aller voir quelqu'un qui entendra et vous aidera Chantal!! C'est ce qui m' sauvé la vie!! Je vous encourage vivement à y aller!!! A vous sauver vous aussi!!! On a le droit de faire la paix avec son histoire!!! Je vous crois Chantal et c'est important pour vous qu'un thérapeute vous croit aussi. Pleins de courage et merci de m'avoir confié cela

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  2. Merci beaucoup. Votre écoute et votre empathie. Je suis suivie chez un psy avec qui cela se passe bien
    Sauf pour cet épisode où lui aussi apporte peu de crédit et d'intérêt me répondant qu'il ne peut pas savoir étant donné qu'il n'était pas présent !!! On a quand même du mal à se faire entendre, mais votre publication m'a reboostée et je vais lui en reparler.
    Belle nuit à vous et merci. La sororité n'est pas un vain mot et si je peux faire quelque chose pour vous, n'hésitez pas. Encore merci.

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    1. C'est moi qui vous remercie.... ça fait du bien d'être entendue. J'ai toujours du mal encore à me voir comme une victime... Et j'ai encore du mal à me sentir "des votres".... Alors aider c'est un peu réparé cette partie de moi...

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