Les Phobies d’impulsion

Hier, ma fille Eloise, est rentrée de vacances. Du haut de ses 12 ans, très fière, elle amène à chacun un cadeau, pour son père ce sera une bouteille de vin, pour moi une bande dessinée. Me connaissant bien, et connaissant mon amour pour la lecture mais surtout pour le monde parental et infantile, elle a choisi une bande dessinée sur le burnout maternelle.



Je ne vais pas revenir et écrire une énième fois sur le burn out, vous savez si vous me lisez depuis longtemps que j'ai diagnostiqué le mien quasiment deux ans après la naissance de ma fille et qu'il aura fallu une petite aide médicamenteuse et la rencontre avec un bon et vrai spécialiste. (Toujours demander la formation de ses thérapeutes. Je vois fleurir les hypnotiseurs en tout genre... Sachez qu'une formation d'hypnose c'est une semaine de formation. Un thérapeute, un vrai peut pratiquer l'hypnose mais a une formation psychanalytique à la base et c'est TOUT À FAIT AUTRE CHOSE. Vous ne vous feriez pas soigner par Mesmer? Alors ne vous faites pas soigner par les hypnotiseur d'intagram).

Par contre je vais parler de quelque chose de tabou. Quelque chose dont je n'ai jamais parlé à personne car j' avais honte et que, j'ai sincèrement cru, être passé par un passage de démence et de folie, jusqu'à ce que Baptiste Beaulieu en parle il y a quelques mois: Les phobies d'impulsion.

Commençons par le début.  Nous sommes en 2009, je tombe enceinte malgré une contraception, mon amoureux n'en veut pas, conflit, bordure de séparation, rabibochage, grosse crise, je tiens bon, et puis fin novembre 2009, on me dit qu'il y a un retard de croissance in utero et que dans 15 jours on déclenchera l'accouchement.

1er décembre je rentre à la maternité, je prends plus de bâton de déclenchement que Pamela Anderson prend de bâton de Tommy Lee dans Pam et Tom... Ceux qui savent savent. Et le 3 décembre les contractions se déclenchent tranquillement à 18h...

Je ne vais pas vous raconter mon accouchement, je crois que j'ai tout eu (y compris l'inspection du placenta sur la table de nuit à coté de moi et la couture sans anesthésie...). Je crois qu'à part les spatules qui m'ont été épargnées de peu, et la césarienne... je suis un cas d'école et ma fille, dieu merci, s'en est sortie par miracle.

Après cette année et cet accouchement traumatisant j'accueille un bébé de 2kg280, et je crois qu'on peut dire que je joue littéralement à la maman... Et j'ai, en effet une petite fille qui s'adapte, puisqu'elle est silencieuse, qu'elle fait ses nuits et s'active quand je viens à elle.

Bref. je ne vais pas bien.

J'en ai marre. Je veux retrouver ma vie d'avant. Je suis fatiguée. Je veux sortir, retrouver mes deux bras, lire, aller au cinéma et au musée. J'ai envie de pleurer tout le temps.

Un soir, ma fille doit avoir trois ou quatre mois. Je lui donne son bain. Et là me vient l'image de moi en train de retirer ma main de sous sa tête. Je pourrais juste retirer ma main et la laisser là et tout serait fini. Cette image m'a prit quelques seconde. Mais elle a existé. Elle reviendra encore, trois ou quatre fois... m'effrayant et me culpabilisant encore bien des fois.

Cette période fut brève et a disparu comme elle est venue. Je ne l'ai pas véritablement oublié mais j'ai évité d'y penser en me disant qu'elle témoigne d'une période où j'étais épuisée et désorientée et que sans doute j'avais vrillée et que j'étais passée à coté d'une folie passagère ou pas. Bref. J'étais fragile et je me suis soignée. Fin de l'histoire.

Et puis un jour, Baptiste Beaulieu donc, médecin, auteur et "déculpabilisateur" du monde (et peut être un poil sensible pour un médecin... Mais est-ce vraiment un défaut?) raconte qu'il a abordé le sujet avec une copine et dévoile alors ce terme de "phobie d'impulsion".

Alors déjà qu'est-ce que c'est?

"Après un accouchement, des pensées terrifiantes peuvent traverser l’esprit de la mère, au point de s'imaginer faire du mal à son enfant et faire naître en elle une immense culpabilité. "


Ah bah déjà c'est cool. Je me dis je suis normale.

Toi aussi tu as vécu ça? Ok. Alors sache que tu es aussi normale (tant que tu n'es pas passée à l'acte. Ce qui est extrêmement rare donc détends toi). Figure toi que d'après les études entre 46 et 70% des mères vient au moins une fois cette expérience. L'épuisement, la pression de la "mère parfaite" dans la société, la dépendance à son enfant, le manque de temps pour soi... Tout est corrélé pour que tu sois victime de cette pulsion. 

Et attend? Tu sais quoi? Les pères ne sont pas exempt de cette pathologie. Bah oué. Evidemment, ils en parle encore moins que nous (c'est dire).

Alors la bonne nouvelle c'est que si ça ne passe pas tout seul ça se soigne....

La mauvaise nouvelle c'est que je n'ai trouvé pratiquement AUCUN article sur le sujet si ce n'est relié à l'intervention de baptiste Beaulieu sur @franceinter. Et je trouve ça fou qu'on ne nous déculpabilise pas, qu'on ne nous mette pas en garde, qu'on ne nous chouchoute pas plus pour que cette vision horrible n'arrive plus. Je trouve ça fou qu'on laisse une mère sur deux avec ce silence, cette culpabilité, ce traumatisme comme si ça n'existait pas. Comme si on nous laissait croire que nous étions folle et incapable de nous occuper de notre enfant.

Donc je ne suis ni medecin, ni professionnelle de santé. Mais sachez qu'aujourd'hui je suis une professionnelle de la petite enfance qui accueille tous les jours des enfants entre 1 et 3 ans et que je suis passée par là et que non, je ne suis en rien un danger pour ces enfants. Non cette pulsion n'est arrivée qu'avec ma fille quelques fois. Et que je vais bien. Vous aussi, vous allez vous sortir de cette période difficile des 6 premiers mois et ces pulsions vont disparaitre d'elle même quand vous aurez fait une nuit de plus de 4h ou que vous aurez fini ce livre qui traine sur votre table de nuit depuis la veille de votre accouchement. Ça va aller je vous le promets.

Et par pitié, je vous invite fortement à témoigner ici ou sur instagram, à partager mon article pour que se libère la parole et qu'on en parle... 

Vous n'êtes pas seules et vous êtes normale. Vous aimez votre enfant, et vous n'êtes pas une mère en carton. Juste vous êtes épuisée et ça, ça se soigne.

A la semaine prochaine. Ou pas.

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