C'est l'histoire de trois petits bonhommes
C'est l'histoire de trois petits bonhommes qui travaillaient dans une très grosse usine qui s'appelait La Société.
Leur travail c'était de vérifier que les petits boulons qui permettaient de faire marcher la machine étaient bien vissés. Tous les jours ils s'installaient devant la machine et ils passaient 10h de leur temps de travail à observer si ces petits boulons étaient bien en place.
De temps en temps, le petit boulon se dévissait et les petits bonhommes sortaientt leur échelle et sans un mot, revissaient le petit boulon. Puis ils s'installaient à leur place pour à nouveau regarder le petit boulon. Parfois, quand le travail n'était pas fait, qu'on avait à faire à un mauvais petit bonhomme, le boulon cassait et La Société commençait à faire beaucoup de bruit et fonctionnait mal... Heureusement les deux petits bonhomme en face assuraient le travail et la machine repartait le temps qu'on change de petit bonhomme.
Dans la société où il travaillait personne ne s'occupait des petits bonhommes aux petits boulons. Parfois, on les regardait même un peu avec mépris.
"Il est quand même payé à regarder un petit boulon"
"Tu sais que quant tu travailles pour La Nation, il y a des caméras automatiques et les trois petits bonhommes sont remplacés par un seul et il est appelé par une sirène pour venir réparer le petit boulon... ça coute vachement moins cher!"
"Je suis sur que des fois il s'endort"
"On les connait les bonhommes à petits boulons, en vrai toute la journée, ils papotent entre eux, boivent le café, parfois même on les croise à la photocopieuse..."
Mais les petits bonhomme aux petits boulons avaient l'habitude. Puis ils les aimaient bien leurs petits boulons. Ils en prenaient soin. Tous les matins, le petit bonhomme numéro un, lui donnait de l'huile d'amande douce, parce qu'il avait remarqué, qu'il fonctionnait mieux et se grippait moins souvent avec ce remède.
Le petit bonhomme numéro 2, quant à lui, le réchauffait tous les matins à son arrivée: 5 minutes de sèche cheveux à 6h00 avant que les machines ne soient en marche, comme ça quand à 6h30 le monteur de la machine vrombissait, le petit boulon était tout prêt, tout chaud pour travailler.
Le troisième, à son tour, étudiait pendant tous ses temps de pause le fonctionnement des boulons. Régulièrement, il achetait des écrous dernier cris pour qu'ils fonctionnent bien, ou il les faisait tourner dans un sens puis l'autre pour qu'il ne rouille pas. Parfois il acceptait même les boulons qui était pas tout à fait adapté à la machine. Il trouvait toujours comment leur donner leur place dans le bon fonctionnement de La Société et rassurait le fabriquant de boulons en lui disant que tout les boulons ont le droit d'accomplir leur vie de boulon.
Quand tous les trois ans, on changeait les boulons, les petits bonhommes étaient souvent un peu tristes, mais c'était aussi la fête quand on voyait arriver les nouveaux petits boulons qui sortaient de l'usine...
Tel était la vie des trois petits bonhommes de l'usine de La Société qui travaillaient 5 jours par semaine de 7h à 17h, qui arrivaient plus tôt le matin pour préparer le terrain et ne partaient pas le soir avant d'être sur que petit boulon sera prêt pour son rôle le lendemain. Il gagnait 800e par mois pour ces 50h.
Parfois, au bout de quelques temps, quand ils travaillaient bien le grand patron envoyait la Protection Mutualiste de l'Industrie et on l'autorisait à s’occuper d'un ou deux petits boulons en plus. Là, le petit bonhomme pouvait gagner entre 1600 et 2000e par mois. Mais c'était parfois difficile d'obtenir ces autorisations. On expliquait aux petits bonhomme qu'ils "n'avaient pas assez d'expérience" ou "que leur yeux n'étaient pas assez grand pour tout surveiller",...
Bref. Personne ne s'en rendait compte mais c'était un travail fatigant, difficile et mal payé. Mais les petits bonhommes continuaient parce qu'ils savaient, eux, que s'ils se surveillaient pas les petits boulons, la machine pourrait casser et La Société s'écrouler.
Et puis un jour, il y a eu une grave épidémie dans La Société. Les gens se sont mis à tousser et à mourir. La Société, bienveillante, a demandé à tous ses employés de bien vouloir rentrer chez eux le temps qu'on désinfecte tout et qu'on trouve un vaccin.
Un employé, un peu plus malin que les autres monta à la direction et fit remarquer:
"Si on surveille pas les petits boulons, la machine va s'écrouler et ce sont nos "héros", nos "sauveurs", ceux qui désinfectent l'usine qui vont mourir en premier... Faudrait peut-être trouver une solution..."
Alors on a demandé aux petits bonhommes de continuer à surveiller les petits boulons.
"Oui mais dans les usines où ils font de la télésurveillance comme on a arrêté, parce que ça coutait trop cher, on a plus personne pour surveiller les petits boulons des autres secteurs"
Alors on a autorisé les petits bonhomme à surveiller les 6 autres petits boulons de l'usine.
Un jour un petit bonhomme est monté à la direction:
"Excusez-moi monsieur le directeur, mais je n'ai pas de protections pour surveiller les petits boulons et du coup j'ai peur de tomber malade"
Le directeur l'a regardé en rigolant
"Mais mon petit bonhomme, les masques ne servent à rien!!!"
Pourtant les désinfecteurs en avaient bien eux... Et ils disaient que c'était essentiel...
Au bout de quelque jours, les gens se sont mis à leurs fenêtre pour applaudir les désinfecteurs. Et puis quelques jours plus tard, on a applaudit celui qui mettait en marche la machine, celui qui vendait les boulons, celui préparait à manger pour les désinfecteurs....
Mais jamais, jamais on n'applaudissait les petits bonhomme.
Bon. En vrai les petits bonhomme s'en fichaient un peu. Ils avaient l'impression d'être important pour une fois: Ils permettaient aux désinfecteurs de travailler en toute sécurité en prenant soin des petits boulons.... juste des fois ils revenaient voir le grand patron en demandant des protections.
« Mais voyons petit bonhomme! On sait de source sure que la maladie ne s’attrape pas par les petits boulons!!! Pas besoin de protection! »
Alors les petits bonshommes ont continué à travailler vaillamment en ne réclamant rien. Ils se sont débrouillés, entre eux, pour pouvoir trouver des protections.
Quand le grand chef parlait à l’assemblée générale, il remerciait les désinfecteurs, les cuisinières (elles avaient des masques elles), les fabricants de boulons (qui avaient des protections), et « tous les autres »....
Les petits bonshommes ne se plaignaient pas ils se disaient qu’ils étaient tous les autres et qu’ils avaient un rôle digne et fort dans La Société. Qu’on allait pas les oublier pour une fois...
Et puis, ils ont apprit la nouvelle. Dans l’entreprise d’à cote, qui s’appelait LA NATION, un petit bonhomme est tombé malade.
Quand les petits bonshommes sont allé demander des explications au grand chef, il leur a répondu « mais nooooon... c’est une gripette... puis vous savez il ne l’a même pas attrapé avec un petit boulon. C’est sa femme! Elle est desinfecteuse!!! Mais non!!! Vous ne craigniez rien ».
Sauf que le soir le petit bonhomme de La Nation est mort.
Les petits bonshommes sont retourné voir le grand chef qui leur a dit « vous êtes vous aussi des héros!!! Vous aidez La Société a s’en sortir... nous vous en sommes reconnaissant »
Les petits bonshommes retournait voir leur boulon. Bah bof quoi. Eux, ils ne voulaient pas de reconnaissance, ils voulaient des protections, de l'aide et de l'écoute.
Mais ils aimaient bien leur boulon, alors ils continuaient à le choyer. La machine continuait à fonctionner et les désinfecteurs semblaient soulagés de ne pas voir cette machine s'écrouler... Ils étaient heureux, ils remplissaient leurs missions.
Et puis, les beaux jours sont revenus et la maladie a disparue.
Il y a eu un grand rassemblement là en haut, et ils ont remercié tout le monde en donnant un peu de sous pour aider.
Sauf aux petits bonhommes.
A eux, ont leur à dit....
"Non mais les petits bonhomme on vous donne déjà de l'argent pour les produits donc vous allez en acheter plus pour être sur que le virus ne revienne pas"
Et puis quand ils ont touchés leur paye, les petits bonhommes se sont aperçus qu'ils avaient perdus des droits. "Bah oui petit bonhomme! La société est en crise, donc on te paye pour ce que tu as fait mais pour les petits boulons qui ne sont pas à toi, on te donne pas les droits qui vont avec. C'est du plus!!!"
Bon. Les petits bonshommes ils étaient gentils mais ils en avaient un peu marre qu'on les prenne pour des abrutis assis sur une chaise alors pour la première fois ils se sont mobilisés.
Ils ont appelé leurs collègues de La Nation, Le pays, et La Population et ils ont tous écrit une lettre au Grand Grand Chef des petits bonshommes et ils l'ont fait savoir un peu partout.
Ils étaient contents les petits bonshommes, ils se sont dit "Ah on va enfin comprendre que si on est pas là, la machine s'écroule a bout d'un moment". Ils n'ont pas demandé de sous. Juste des protections, des droits à voir le médecin, et le retour de leurs droits
Ils ont attendu, patiemment et gentiment la réponse du grand grand chef ....
Pendant ce temps là, les surveillants de boulons ont eu des primes pour nettoyer les boulons. Les regroupement de petits bonshommes aussi. Bref. Les primes tombaient mais pas pour les petits bonhommes.
Et puis un matin, Petits bonhomme numéro 3 s'est levé et à vérifié ses mails.
Un message du grand grand chef.
"Il y a 10 ans les regroupements de petits bonhommes apparaissaient"
Super. se dit il. Mais moi je suis un petit bonhomme tout seul.
"Aujourd'hui La France compte 3000 regroupements.
A cette occasion je voudrais parler à tous les petits bonhommes.
J'ai eu l'occasion ces dernières semaines d'aller à leurs rencontres et de lire les courriers qu'ils m'ont envoyés.
Ils m'ont parlés de leurs difficultés et de leurs angoisses. Ils m'ont aussi exprimés leurs colères et ce sentiment qui les ronge de ne pas être reconnu à leur juste valeur. Mais j'y ai vu autre chose!"
Là, le petit bonhomme se sentit très interrogatif. Qu'avait-il pu bien lire qu'il n'avait pas écrit?
"Les petits bonhommes sont fiers de leurs métiers et leur métier, ils veulent pouvoir l'exercer dans de bonnes conditions. Et cela dans l’intérêt du boulon et donc de la machine.
Les difficultés que rencontrent les petits bonshommes ont été exacerbés par la maladie du Pangolin. Mais je ne veux pas que ces difficultés soient mises sous le tapis.
Améliorer leurs conditions d'exercice. Mieux les protéger aussi."
Le petit bonhomme a passé le message à ses collègues.
Le petit bonhomme numéro 1 a décidé d’arrêter. Il est revenu dire au revoir à son dernier petit boulon et il est allé faire un bébé à sa petite bonnefemme et a décidé de s'en occuper.
Le petit bonhomme numéro 2 est tombé malade de fatigue et a dû s'arrêter de travailler.
Le petit bonhomme numéro trois est rentrée chez lui et a rangé ses affaires. Il vivait tout seul, et n'avait pas de famille. Alors il est revenu à l'usine, a dit au revoir à son petit boulon et a sauté du pont.
Quand il a apprit ça le Grand chef a dit qu'il était très triste.
Puis c'était une période de crise alors pour faire des économies il a dit qu'il ne reprendrait pas de petits bonhommes, que c'était à chacun de prendre ses responsabilités et de surveiller les petits boulons.
Sauf que des petits boulons qu'on ne soignent pas avec amour rouillent et s'abiment. Et quelque mois plus tard on a apprit que La société s'est écroulée.
A cause d'un tout petit boulon dont personne ne s'occupait.
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