Chères vous

 Chères vous,

Toi qui t'es protégée et qui n'a pas hésité à me sacrifier il y a cinq ans pour protéger ta réputation et ta carrière.

Toi qui m'as jugé alors que tu ne me connaissais pas, et condamné avant qu'un mot ne sorte de ma bouche

Toi qui m'a hurlé dessus à la photocopieuse par méchanceté pure, pour appuyer sur le fait que j'étais "con" et bien rire dans la salle des profs.

Toi qui ne jurais que par moi au mois de septembre et qui m'a trouvé si incompétente au mois de juin lorsque l'autre instit t'a appelée pour te jurer ses grands Dieux que j'étais malhonnête et manipulatrice.

Toi, la grande malade, qui a fait courir ce bruit partout, pendant que tu hurlais sur ma fille au point, qu'aujourd'hui encore elle a des crises d'angoisses à la simple idée d'aller à l'école. 


Un métier où ton premier geste le matin est de savoir s'il fait assez beau pour sortir...



A tous les autres, à celle qui a changé d'avis sur une simple rumeur, qui n'a pas validé mon année alors qu'elle m'avait dit "que rien ne s'opposait à ce que je ne vous la valide", je voulais vous dire "merci".

Merci de m'avoir dégouté de ce métier, merci, d'en donner une aussi vilaine image, merci d'être aussi malheureuses dans votre vie professionnelle et de m'en avoir fait une démonstration aussi pathétique.

J'ai mis deux ans à m'en remettre, vous m'auriez tabassée sur un ring de boxe que ça ne m'aurait pas fait plus mal. D'ailleurs, n'était-ce pas un peu le cas... Vous m'avez fait tellement douter de moi, sur ce que j'étais au fond de moi, sur mes valeurs, mon intégrité. J'en ai versé des larmes d'incompréhension, de dépit, de dégout... J'ai tout remis en question même et surtout l'éducation nationale. Un vrai état de choc. 

Mais merci pour ces larmes, et ces doutes. Merci infiniment de m'avoir fait comprendre que je n'étais pas des vôtres, que je n'étais pas de cette armée qui broie les hommes à terre, jugent les parents sur ce qu'ils sont, et leurs capacités à élever leurs enfants et qui rient de l'école de la bienveillance.

Aujourd'hui, je vous remercie de m'avoir permise de m’être trouvée dans un métier où la bienveillance à un sens, où enseigner et éduquer va de rime avec respect et affection, où on ne se juge pas mais on s'entraide. Un métier où je gagne mieux ma vie que si j'étais restée avec vous, où je ne bouge pas de chez moi, où mes contraintes sont moins dures que les vôtres. Un métier où je ne subis pas la lourdeur de ma hiérarchie, où je suis libre d'appliquer les pédagogies que j'aime, où une sortie ne demande pas des mois de préparation. Merci de m'avoir permise de faire un métier que j'aime, où je suis heureuse de me lever chaque matin , où je choisi mes vacances, où quand je ferme la porte, ma journée est totalement terminée. Un métier où je ne fais pas de préparations jusqu'à une heure du matin, où je ne suis soumise au jugement de personne si ce n'est le mien.

Je vous remercie de m'avoir indiqué le chemin de la sortie, le chemin de la liberté, le chemin où professionnellement je suis heureuse et où je rends des enfants heureux, une vie où je leur apprends juste l'empathie, le respect, le choix, l'honnêteté envers soi-même et envers les autres.

J'ai rêvé de toi cette nuit, toi, la prof tellement blessée qu'elle a besoin de blesser les autres. J'ai revu ton visage et je me demandais comment je n'avais pas pu voir combien tu étais en souffrance en fait dans cette institution malade et contagieuse.

Il m'aura fallu 5 ans donc, pour que le clap de fin retentisse, et que je comprenne combien toute cette souffrance avait en fait un sens. Merci pour ce bonheur que vous m'avez permis de trouver.


Avant de partir, juste j'ai une pensée pour Louisa. Cette directrice dont on rêve, qui a le soucis des enfants, de leur bien être et de leur avenir. Louisa pour qui bienveillance et apprentissage ne sont pas opposables. Louisa qui m'a encouragé à laisser ma fille à l'éducation nationale parce que j'ai pu rencontrer des profs qui sont exemplaires. Louisa et son équipe, de profs fatigués mais toujours à la guerre. Qui parlent tous les jours d'abdiquer mais qui sont là vaillant, parfois à 7h pour pouvoir rencontrer les parents, pour trouver des solutions et pour assurer leur mission. Merci à toi de continuer à te battre pour ces enfants qui ont la chance de te croiser sur leur chemin. Merci de sauver leur monde.

Voilà. Aujourd'hui je clos officiellement ce chapitre de douleurs de ma vie. Il sera maintenant dans la catégorie souvenirs qui m'ont fait avancer. Et j'en suis heureuse.

A demain. Ou pas.

Commentaires

  1. Ouaw quels mots merci Mag pour ta sincérité et pour tes mots toujours aussi forts 💙
    Wendy 😘

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    1. ça a tellement été des années de souffrances, et j'ai vu tellement d'adultes en souffrances aussi...

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    2. Ce métier m'a amené de liberté.....

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