Educ vs Assmat

 J’ai eu plusieurs vies avant celle-ci. RP dans les théâtres, prof.... mais pendant 10 ans et ce fut là ma plus longue expérience professionnelle je fus éducatrice spécialisée. Et en écrivant ma lettre d’adieu à l’éducation nationale jeudi, je me suis dis qu’il était temps aussi de comparer mes deux vies... juste histoire de voir...

Se lever... 


Hier, educ
Se motiver.... aller bosser et se faire la journée dans sa tête... Lever 7h, déjeuner, se motiver, 20 min de marche jusqu’à la gare, prendre le train en priant pour qu’il ne soit pas en retard, monter dans le train sans en avoir l’envie, arriver à destination. S’arrêter pour acheter des clopes et boire un café avant de commencer, se coller la play liste de « « new York » pour déconnecter et oublier qu’on n’est pas heureux dans son job. Arriver au boulot. Croiser ta chef ou ta collègue qui te fait ta marque que tu arrives à 9h02 au lieu de 9h.

Aujourd’hui,
Réveil à 5h30. Ça pique. Prendre le temps de se faire des œufs au plat ou de traîner dans un bain brulant. Envoyer un message aux copines/collègues: « on sort ce matin?? », penser qu’on est mardi et qu’on pourra faire une halte chez le fromager pour que les enfants goûtent les fromages. Passer l’aspirateur, sortir les jouets, demander trois fois à chéri d’éteindre son réveil,  et être contente de retrouver le #2ans qui arrive à 7h. 



Ce qui nous motive


Hier,
Les résidents, Arnaud qui m’accueille toujours avec le sourire, Abdel qui apprend à écrire, Patricia qui me saute au coup à chaque paroles, Aude qui me regarde pour la première fois dans les yeux, ... les voir progresser, être heureux, les voir tomber amoureux. Et moi, développer la conviction que plus ils sont traités  comme des personnes lambdas plus ils progresserons et plus la société avancera. 

Aujourd’hui,
Tout ou presque. Les enfants qui sont heureux de venir chez moi, les parents qui ont l’air heureux de les déposer, me réinventer chaque jour malgré la fatigue. Je suis heureuse de les retrouver, me lever le matin n’est plus une souffrance. Je les aime pour de vrai ces gamins... et quand les « anciens » m’envoient de leurs nouvelles je me dis que je ne suis pas tout à fait à côté de la plaque. Bref. Trouver ma place. Goldman chantait "A quoi tu sers?". Je crois que maintenant je sais.

La tenue


Hier. 
On en est pas à la tenue républicaine mais presque. Jean/sweat/basket pour le pratique, à la rigueur une robe de temps en temps pour faire la belle, mais ça s’arrête là. Pour peu qu’on ait une rencontre avec des parents... alors on soigne encore un peu plus le look... Vernis/maquillage/ coiffage.

Aujourd’hui,
On est à la maison donc, ce qui est propre. Et s’il fait trop chaud, on peut prendre deux min pour enfiler un tee-shirt pendant la sieste. Je n’ai plus peur de me tacher, d’avoir trop chaud ou trop froid, tout est sous la main.... Mais c’est vrai qu’il y a parfois un peu trop de laisser aller... on va arrêter les joggings...
 

 

Le patron 


Hier,
Mon angoisse permanente. On se détestait cordialement. Il me reconnaissait des qualités d’éducatrice mais me reprochait mon manque de rigueur. Je lui reprochais quand à moi, de réagir à la tête du client et d’être frileux donc de ne pas agir en faveur des résidents, de ne pas les connaître. Autant vous dire que c’était plutôt TRÈS électrique entre nous.

Aujourd’hui,
Il n’y en a plus. Et je crois que c’est mieux. Même si celui ci était particulièrement con, je dois admettre que j’ai un problème avec la hiérarchie... et être en relation avec des employeurs et non plus des patrons c’est d’une liberté sans nom. Le plus? Les choisir et savoir qu’on peut arrêter quand ça ne va plus... 


Les dépenses


Hier,
Carte de train, repas quand je ne mange pas avec les résidents, impôts, cantine, garderie le soir, assistante maternelle, ... la moitié de mon salaire part dans ce que je dois utiliser comme service pour pouvoir aller travailler.

Aujourd’hui,
Plus de transports, plus d’impôts, Éloïse jusqu’à l’année dernière ne mangeait pas à la cantine, plus de garderie le soir, et mon repas est en partie payé par les frais de repas à midi. Si tu ajoutes à ça que je gagne 200 à 400e de plus que quand j’étais éducatrice.... 


L’état de la maison.


Hier,
La maison est constamment en chantier parce que je n’ai pas le temps de ranger et que le week-end j’essaie de trouver le temps de souffler. Ma maison c’est Woodstock en permanence. Une fois par mois on fait le ménage à fond, ça dure deux jours.

Aujourd’hui,

Ma maison est une crèche permanente. Elle est propre et rangée entre 20h et 7h. Après c’est le bronx: des jouets partout, qui disparaissent la nuit c'est à dire au moment où je ne peux pas profiter de mon salon. Le weekend c'est ménage à fond. On est contents le dimanche soir d'avoir une maison qui ne ressemble pas à une crèche. Mais le ménage hebdomadaire m’empêche de vraiment en profiter... Bref. Je n'ai plus de maison. Je préférais mon bordel d'éduc...


Les soirées


Hier,
J'étais tellement contente de rentrer que ma première réaction était de me laver. J'attaquais les devoirs avec Eloise, puis le repas devant "c'est à vous". A 19h30 je faisais à manger Eloise, puis à 20h30 on mangeait avec l'amoureux, je regardais tranquillou une croute à la télé jusqu'à 23h00/minuit et je finissais par m'endormir devant New york unité spéciale.

Aujourd'hui,
A 17h00, au milieu des enfants qui joue j'essaie d'accompagner dans les devoirs, puis je rends progressivement les enfants. A 18h45, j'enfile le pyjama du #2ans, je le fais manger. A 20h00 son père passe le chercher, je range le salon, passe l'aspirateur. A 20h45 tout le monde passe à table. Pendant que ma fille débarrasse la table je me couche devant Joséphine ange gardien. Je m'endors à peu près 12min après le début du générique.


Les dérapages


Hier,
"Qu'est-ce qu'Abdel a mangé à midi?" " Des pâte à la carbonara."
Rappelle moi les ingrédients de la carbo l'assmatbadass (surtout que tu ne lui en as pas donné)

Aujourd'hui
"Je suis désolée mais je ne trouve plus l'écharpe de la #21mois. La tétine? Non plus. Le sac? Je l'ai oublié à la maison. Le doudou? Vous me laissez 5 min?"


L'épanouissement personnel


Hier,
J'épluchais toutes les formations et les places de libres dans la région. Je pleure le weekend à l'idée de revenir bosser. Je sais que c'est un travail qui ne me corresponds plus. Je compte les heures avant la sortie, je compte les jours avant le weekend, je compte les semaines avant les vacances. 

Aujourd'hui,
J'imagine comment améliorer mon travail. Je m'investis, je me forme, je lis, j'ai des certitudes prêtes à être bougées. J'ai envie de me former et peut être de former les autres un jour. Sur les réseaux sociaux, je conseille, j'écoute, et je m'inspire des autres. Je rêve de monter ma MAM, et je me fais des collègues/amies bienveillantes.... J'ai l'impression d'être enfin à ma place.


Du coup on se dit à demain?
Ou pas.

Commentaires

Articles les plus consultés