Sur ma route

 Sur ma route, il y a plusieurs mois de cela j'ai croisé Julyan.

Un garçon de 6 ans. Solaire. Beau. Tétu, courageux, drôle, et mature.

Je pourrais ajouter malade et condamné. Mais ça, ceux qui me connaissent et le connaissent le savent et je n'ai pas envie d'en parler. 

Bien sur, Julyan est partit. C'est ce qu'on dit quand les gens meurent. Bien sur ce n'est pas un détail. Bien sur je pourrais faire comme si ça n'existait pas. Mais si ça n'existait pas ce soir je n'écrirais pas sur lui.

Alors on dit quoi sur un enfant qui meure?

On dit rien. Je n'ai rien envie de dire sur Julyan mort.

J'ai envie de dire sur Julyan vivant. J'ai envie de parler du rire de Julyan qui lézardait les murs de l'hôpital. J'ai envie de parler de ses deux dents qui lui manquent et qui fendent son sourire ravageur. 

J'ai envie de vous parler de son regard charmeur quand il vous regardait avec admiration. 

Julyan. Ce petit garçon vivant jusqu'à sa dernière seconde. J'ai tellement l'impression qu'on nous a volé du temps à toi et moi pour mieux s'aimer, pour qu'on s'aime à notre juste valeur. Des fois tu aimes tes amis mais t'accroches pas avec les mômes. Toi, je t'ai aimé dès notre première partie de petits chevaux (même si 20 min plus tard tu m'envoyais ton ballon dans la tronche en hurlant de rire). Je t'aurais rencontré en dehors de ta maman, je t'aurais aimé quand même. 

Tu  ne vas pas me manquer.

Ce qui va me manquer c'est de découvrir tout ce que je n'ai pas eu le temps de connaitre de toi. Ce qui va me manquer c'est de rire avec toi. 

Je suis contente qu'on ait réussi en si peu de temps à se créer des choses à nous. "Gertrude" c'est qu'à nous. Ce tout petit souvenir, cette machine qui bipe sans cesse qui est devenue Gertrude ce n'est rien qu'à nous. Les hurlements sur BlackM ce n'est rien qu'à nous. Ces quelques secondes de souvenirs existent et ils n'appartiennent qu'à nous, et je suis maintenant gardienne de ces quelques secondes de vie qui ont existé et dont je suis la seule garante. Je suis tellement privilégiée de ces quelques graines d'or.

Ma vie va reprendre. Je sais qu'il y aura de plus en plus de jours où je ne penserai plus à toi. Et puis tu réapparaitras au détour d'un arc-en-ciel, d'une chanson, d'un pikatchu...

Ma vie va reprendre presque pareil. Mais pas tout à fait. 

Évidemment, On rit encore, Pour des bêtises, Comme des enfants, Mais pas comme avant

Cette blessure, qui cicatrisera, mais qui sera toujours là, je ne veux pas qu'elle disparaisse. C'est la preuve que tu as existé. La preuve que sur ma route je t'ai croisée, que tu as marqué ta présence. Non pas parce que tu étais malade mais parce que tu étais. Parce que tu es. Et que tu seras toujours.

Je garde ton empreinte Ju. Pour ne jamais oublier de vivre jusqu'à la dernière seconde.